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Culture politique au Cameroun : Comprendre le vote comme un acte de consommation électorale

À chaque période électorale, les Camerounais sont appelés à un exercice fondamental comme dans toutes démocraties : le vote. Pourtant, dans les rues de Yaoundé, de Douala, de Maroua ou d'Ebolowa, l'engouement électoral reste souvent tiède, mêlé de scepticisme, de désintérêt ou d'adhésion mécanique à des figures politiques connues. Pourquoi ? Parce que le vote, au Cameroun, est encore davantage perçu comme un acte symbolique ou identitaire que comme un choix rationnel et stratégique. Pourtant, il devrait être discuté comme une décision informée, semblable à un acte d'achat dans une société de marché. En cela, il est temps que les électeurs camerounais comprennent que le vote est aussi un acte influence par le marketing politique — et qu'il mérite une attention consciencieuse.

Une culture politique façonnée par l'émotion, l'ethnie et le passé

Le paysage politique camerounais est singulier : il évolue dans un environnement où l'histoire coloniale, les longues décennies de pouvoir, et les logiques de fidélité régionale continuent de structurer le comportement électoral. Pour beaucoup, le bulletin de vote n'est pas un outil de changement, mais un prolongement d'un héritage, d'une appartenance, ou d'un réflexe tribal.

Ce que l'on observe souvent, c'est un vote d'affect — où la sympathie pour un visage, un nom ou une région l'emporte sur l'analyse des programmes. Ce que l'on observe aussi, c'est un vote de démission — « on vote pour celui qui est là, parce qu'on ne croit plus que ça change ». Cette culture politique affective et fataliste empêche l'électorat de se poser la seule question qui vaille en démocratie : qui défend le mieux mes intérêts ?

Le marketing politique : une réalité qu'il faut comprendre

Dans les démocraties modernes, les partis et les candidats ne se contentent plus de faire de la politique. Ils construisent une image, conservent une marque, ciblent un électorat, adaptent leur langage, structurent leur présence sur les réseaux sociaux, et choisissent même  leur tenue vestimentaire en fonction du message à transmettre. C'est du marketing.

Le marketing politique, loin d'être une manipulation, est une science de la communication politique, qui vise à rapprocher l'offre (le candidat ou son programme) de la demande (les attentes du citoyen). L'électeur, dans cette logique, devient un consommateur de discours et de promesses. Il choisit ce qui lui semble le plus convaincant, le plus proche de ses valeurs, ou le plus porteur d'espoir.

Les variables qui influencent un choix électoral

Comme dans un marché classique, plusieurs facteurs influencent le comportement électoral :

 L'image du candidat : ​​​​Son apparence, son ton, son charisme, sa capacité à incarner l'autorité ou l'espoir. Ce sont des éléments qui marquent les esprits souvent plus que le contenu des discours.

 Le message politique : Un slogan bien trouvé, une promesse répétée, ou une posture ferme sur un sujet sensible peuvent faire basculer des intentions de vote.

 Les canaux de diffusion : La télévision, les réseaux sociaux, les rencontres, les interviews — ce sont des vitrines qui façonnent la perception.

 Le contexte sociopolitique : En période de crise, les électeurs recherchent la sécurité. En période de chômage, ils privilégient l'économie. Le contexte crée les priorités.

 L'appartenance identitaire : Tribu, région, religion — des éléments qui, hélas, influencent encore fortement les choix.

Vers un électeur éclairé : la nécessité du choix rationnel

Face à cela, il est urgent que l'électeur camerounais s'éduque politiquement. Voter, ce n'est pas simplement « faire son devoir », c'est faire un choix stratégique pour son avenir. Cela implique de :

- Lire les programmes au-delà des slogans

- Évaluer la cohérence entre discours et actions

- Se demander : ce candidat, que propose-t-il concrètement pour mon quotidien ?

- Comparer, questionner, débattre

Un bon marketing ne doit pas suffire à emporter le vote. Ce doit être le contenu derrière le style, la vision derrière l'image, la compétence derrière les promesses.

La démocratie camerounaise ne grandira que si ses électeurs mûrissent. Cela commence par une prise de conscience : le vote est un acte de pouvoir, et ce pouvoir ne doit pas être abandonné à l'émotion ou au fatalisme. Le marketing politique existe, et c'est une arme entre les mains des candidats. Mais c'est à chaque citoyen de se l'approprier, de le décoder, et de faire un choix éclairé, consciencieux, utile. Car le vote n’est pas seulement un droit. C'est une stratégie.

Gontran Eloundou
Analyste politique
+237 673 933 132

 

 

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