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Paul Biya, sept ans encore… pour quel projet de société ?

Le 6 novembre 2025, Paul Biya prêté serment pour un huitième mandat présidentiel, prolongeant un règne de 43 ans à la tête du Cameroun. À 93 ans, cette réélection soulève une question fondamentale : sept ans encore, pourquoi faire ? Au-delà des discours d'investiture et des félicitations diplomatiques, il est légitime de s'interroger sur la capacité réelle du chef de l'État à conduire les projets de développement du pays, à réformer son appareil politique et à répondre aux aspirations d'une société en mutation.

Une philosophie politique en décalage ?

Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, n'a pas connu de réorientation idéologique majeure depuis sa fondation. Or, dans un contexte marqué par la montée des revendications citoyennes, la fragmentation territoriale et la poussée des jeunes leaders, la philosophie politique du RDPC semble figée. Paul Biya peut-il encore impulser une nouvelle vision ? Rien, dans ses dernières allocutions, ne laisse entretenir une volonté de rupture doctrinale. Le discours du 6 novembre évoque certes un « Cameroun uni, stable et prospère », mais sans clarification sur les mécanismes de transformation idéologique.

Le rajeunissement gouvernemental : promesse ou illusion ?

Le remaniement attendu suscite des espoirs de rajeunissement de l'équipe gouvernementale, mais aussi des doutes. Le président connaît-il réellement les nouveaux acteurs politiques au sein de son propre parti ? Est-il en mesure de les intégrer dans une logique de renouvellement ? Les signaux envoyés jusqu'ici — maintien des figures historiques, absence de rotation dans les postes clés — laissent penser que la délégation du pouvoir reste la norme, souvent au profit de collaborateurs peu connectés aux réalités sociales et économiques contemporaines.

Macroéconomie et projets structurants : une gouvernance à bout de souffle ?

Sur le plan macroéconomique, les défis sont immenses. Les projets énergétiques tels que les barrages de Nachtigal, Lom Pangar ou Memve'ele, ainsi que les ambitions d'industrialisation et de transformation locale, nécessitent une gouvernance agile, une coordination multisectorielle et une capacité de suivi technique. Or, la centralisation du pouvoir et l'âge avancé du président interrogent sa capacité à piloter ces chantiers stratégiques. L'efficacité de la gouvernance dépendra de sa faculté à déléguer aux équipes compétentes, jeunes et connectées aux enjeux du XXIe siècle.

Entrepreneuriat et innovation : quelle vision idéologique ?

Le président a annoncé un plan spécial pour l'emploi des jeunes et des incitations fiscales pour encourager l'entrepreneuriat. Mais au-delà des annonces, la question demeure : Paul Biya at-il la volonté politique de financer et valoriser la création d'entreprise ? L'idéologie économique dominante reste marquée par le dirigisme et la dépendance à l'État. Une véritable révolution entrepreneuriale nécessiterait un changement de paradigme, une réforme des mécanismes de financement, et une reconnaissance des dynamiques locales portées par les jeunes.

Conclusion : une transition suspendue

Paul Biya entame ce nouveau mandat dans un contexte de répression politique, de violations des droits humains et de fragilité institutionnelle. Si son discours promet un « nouveau souffle économique », les conditions de sa mise en œuvre restent incertaines. Le Cameroun a besoin d'un leadership visionnaire, capable de réconcilier les générations, de réformer l'État et de catalyser les énergies locales. Sept ans encore, oui — mais pour quel projet, avec quelle équipe, et dans quel horizon de transformation ?

Gontran Eloundou
Analyste Politique
+237 673 933 132

 

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