
Présidentielle 2025 : Paul Biya face à Issa Tchiroma Bakary, qui du créateur et de la créature va gagner?
À la veille du scrutin du 12 octobre, le face-à-face entre Paul Biya et Issa Tchiroma Bakary cristallise les tensions, les espoirs et les interrogations d’un pays en quête de renouveau. Ce duel, inattendu dans sa forme, oppose deux figures que tout semble séparer : l’un incarne la longévité du pouvoir, l’autre sa création, incarne la résilience politique et la reconquête populaire.
Les chiffres qui bousculent les certitudes
Deux sondages récents, publiés par Afrique Média et la plateforme ECUC, offrent des lectures contrastées :
Paul Biya : le poids de l’histoire
À 92 ans, Paul Biya se présente pour un huitième mandat, fort de 43 années à la tête de l’État. Son parti, le RDPC, déploie une logistique électorale redoutable, avec une présence dans toutes les régions, un contrôle des médias publics, et une mobilisation des élites administratives. Pourtant, son absence remarquée lors des grands meetings nationaux, notamment à Yaoundé, soulève des interrogations sur sa capacité à incarner encore le leadership actif que réclame la jeunesse camerounaise.
Malgré cela, ses partisans le décrivent comme un garant de la stabilité, un homme d’État expérimenté dans un contexte régional troublé. Le président sortant conserve une base solide dans le Centre, le Sud et certaines zones rurales, où les réseaux du RDPC restent influents.
Issa Tchiroma Bakary : la surprise populaire
Ancien ministre de la Communication, longtemps considéré comme un allié du régime, Issa Tchiroma Bakary s’est repositionné comme candidat du peuple. Sa campagne, marquée par des bains de foule à Douala, Yaoundé et Maroua, a suscité une ferveur inattendue. Le quartier Tsinga s’est même transformé en bastion du FSNC, son parti, lors d’un rassemblement massif le 3 octobre.
Sa proposition phare — une cagnotte citoyenne de 400 millions FCFA pour surveiller les bureaux de vote — a été saluée comme un acte de transparence et d’engagement démocratique. Il promet une transition pacifique, un dialogue inclusif et une réforme des institutions. Pour beaucoup, il incarne une alternative crédible, malgré les critiques sur son passé politique ambivalent.
Deux visions, deux trajectoires
Paul Biya mise sur la continuité, la stabilité et l’expérience. Son discours reste institutionnel, porté par les cadres du RDPC.
Paul Biya, candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), s’appuie sur une stratégie électorale fondée sur la continuité de l’État et la stabilité institutionnelle. À 92 ans, il incarne une figure de longévité politique, souvent présentée comme un rempart contre les incertitudes régionales et les turbulences internationales. Son discours, relayé par les cadres du parti, évite les envolées populistes ou les promesses spectaculaires : il privilégie les références à la paix, à l’unité nationale et à la préservation des acquis.
Les porte-parole du RDPC insistent sur les infrastructures réalisées, les réformes engagées et la diplomatie maîtrisée, tout en valorisant l’expérience du président sortant comme un atout dans un contexte géopolitique complexe. Cette posture institutionnelle se traduit par une campagne très encadrée, où les ministres, gouverneurs et responsables locaux jouent un rôle central dans la mobilisation. L’absence de Paul Biya sur le terrain est compensée par une présence médiatique forte, notamment à travers les médias publics et les canaux officiels du parti.
En misant sur la stabilité, le RDPC cherche à rassurer les électeurs attachés à l’ordre établi, tout en marginalisant les discours de rupture portés par l’opposition. Cette approche, bien que critiquée pour son manque de proximité avec les réalités sociales, reste efficace dans les zones rurales et les bastions historiques du parti.
Issa Tchiroma la créature de Paul Biya, un populisme participatif et une volonté de réconciliation nationale.
Issa Tchiroma Bakary s’est imposé comme le visage d’une rupture douce dans cette présidentielle 2025, en misant sur un populisme participatif et une rhétorique de réconciliation nationale. Ancien ministre du régime, il a su opérer un virage stratégique en se présentant comme le candidat du peuple, proche des préoccupations quotidiennes et des aspirations citoyennes. Sa campagne, marquée par des rassemblements spontanés et des appels directs à la jeunesse, s’est distinguée par une volonté de co-construction démocratique, notamment à travers la cagnotte citoyenne pour sécuriser le vote.
Son discours, loin des antagonismes classiques, prône le dialogue entre les régions, la réhabilitation des institutions et la fin des clivages politiques stériles. Il se positionne comme un médiateur capable de réconcilier les Camerounais autour d’un projet inclusif, tout en dénonçant les dérives du pouvoir sans verser dans l’agressivité. Cette posture lui vaut un soutien croissant dans les zones urbaines et les régions historiquement marginalisées, où son message de paix et de participation active trouve un écho particulier.
Verdict imminent
Ce duel, qui dépasse les clivages classiques entre pouvoir et opposition, pourrait redéfinir les équilibres politiques du Cameroun. Entre la fidélité au régime et l’aspiration au changement, les électeurs auront à trancher. Le 12 octobre, le pays retiendra son souffle.
Gontran ELOUNDOU
Analyste politique
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