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 ENEO Cameroun : une dette de 800 milliards FCFA qui fragilise tout le secteur électrique

La situation financière d’ENEO Cameroun, principal concessionnaire de la distribution d’électricité, continue de se détériorer. Selon les données du ministère de l’Eau et de l’Énergie, l’entreprise cumule une dette colossale de 800 milliards FCFA, dont 500 milliards envers ses fournisseurs. Cette dette énergétique, en constante augmentation depuis 2022, menace l’équilibre du secteur électrique camerounais, déjà confronté à des coupures fréquentes et à une demande croissante.

Parmi les créanciers d’ENEO figurent des acteurs stratégiques comme Sonatrel, EDC, Sonara, SNH-Tradex et Arsel, tous essentiels à la chaîne de production et de transport d’électricité. Le non-paiement de ces fournisseurs publics crée un effet domino, ralentissant les investissements, les maintenances et les projets d’extension du réseau. Cette situation compromet la fiabilité de l’approvisionnement électrique, notamment dans les zones rurales et industrielles.

Malgré un léger rebond en 2022 avec un résultat net positif de 10 milliards FCFA, ENEO a replongé en 2023 avec une trésorerie négative estimée à –1,58 milliard FCFA. Le ministère considère désormais l’entreprise comme un risque budgétaire majeur, incapable de couvrir ses charges d’exploitation. Cette fragilité financière pèse sur les finances publiques, car l’État est souvent contraint d’intervenir pour éviter une rupture de service.

La dette d’ENEO est en grande partie liée à des subventions non versées par l’État, à des retards de paiement et à un modèle économique déséquilibré. Les tarifs réglementés de l’électricité ne couvrent pas les coûts réels de production et de distribution, ce qui pousse l’entreprise à fonctionner en déficit chronique. Cette situation soulève des questions sur la viabilité du cadre tarifaire actuel et sur la nécessité d’une réforme énergétique structurelle.

Dans ce contexte, plusieurs projets d’électrification sont menacés. Le gouvernement avait annoncé pour 2026 la mise en service de six mini-centrales solaires hybrides dans des zones enclavées, pour une capacité totale de 7,2 MWc. Mais l’endettement d’ENEO freine leur mise en œuvre, faute de garanties financières solides. Ces retards compromettent les objectifs d’accès universel à l’électricité et freinent le développement économique local.

La situation d’ENEO relance également le débat sur la gestion privée du secteur. Depuis sa privatisation, l’entreprise est contrôlée par le fonds britannique Actis, dont la stratégie est régulièrement critiquée pour son manque de transparence et ses résultats mitigés. Certains observateurs appellent à une renégociation des contrats de concession, voire à une reprise en main partielle par l’État pour garantir la souveraineté énergétique.

En conclusion, la crise de la dette d’ENEO est bien plus qu’un problème comptable : elle révèle les failles systémiques d’un secteur stratégique. Sans réforme tarifaire, sans mécanisme de financement durable et sans gouvernance renforcée, le Cameroun risque une crise énergétique prolongée. Pour éviter l’effondrement, il est urgent de repenser le modèle économique de la production et de la distribution d’électricité, en plaçant la résilience énergétique au cœur des priorités nationales.

la rédaction économique.

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