
Comptage sous tension : ELECAM, entre loyauté politique et défi démocratique ?
Au Cameroun, l’institution en charge de l’organisation des élections, Elections Cameroon (ELECAM), se retrouve dans une position critique pendant les opérations de vote et de comptage, là où se joue la crédibilité du scrutin. Si la loi lui confère un rôle central dans le processus électoral, les pratiques observées sur le terrain soulèvent des interrogations sur sa neutralité réelle.
Représentation générale ELECAM/ télécharger le code électorale ici
La thèse est claire : les membres d’ELECAM jouent leur survie politique. Nommés par décret présidentiel, ils doivent leur position au chef de l’État, ce qui crée une dynamique de loyauté verticale. Selon la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006, le président de la République nomme les membres du Conseil électoral, y compris son président, après une consultation des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Mais cette consultation, non encadrée juridiquement, reste informelle et sans obligation de validation. En période électorale, cette dépendance structurelle se traduit par une gestion opaque des opérations de vote.
Pendant le scrutin, les présidents des bureaux de vote sont désignés par ELECAM sans que les partis politiques n’en soient informés, ni en amont, ni le jour du vote. Le Code électoral ne prévoit aucune obligation de transparence sur ces désignations. Cette situation fragilise la confiance dans le processus, surtout lors du comptage des voix, moment clé où les procès-verbaux sont centralisés par des agents nommés par ELECAM, eux-mêmes redevables à une hiérarchie politique.
Une lecture institutionnelle plus nuancée. La loi prévoit que les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale soient consultés pour la nomination des membres du Conseil électoral. En théorie, cela leur donne un levier d’influence. Mais dans les faits, l’opposition n’a jamais véritablement cherché à contrôler ELECAM, préférant dénoncer l’institution plutôt que d’en réformer les mécanismes. Cette absence de stratégie proactive a laissé le champ libre à une gestion centralisée du processus électoral.
En période électorale, les partis politiques devraient être informés de l’identité des présidents des bureaux de vote, ne serait-ce que pour garantir une surveillance citoyenne minimale. Mais cette exigence, bien que légitime, n’est pas prévue par la loi, ce qui permet à ELECAM de maintenir une organisation verticale, peu perméable aux contre-pouvoirs. Le manque de transparence sur les acteurs du terrain alimente les suspicions et les contestations post-scrutin.
En définitive, ELECAM est dos au mur pendant les moments les plus sensibles du processus électoral. Sa légitimité repose sur sa capacité à garantir la transparence, l’équité et la traçabilité des résultats. Sans réforme structurelle ni pression citoyenne forte, l’organe électoral risque de devenir un simple exécutant d’un processus verrouillé. Il revient aux partis politiques, aux médias et à la société civile de réclamer plus de transparence, notamment sur la désignation des présidents de bureaux de vote et la publication des résultats bureau par bureau.
Gontran ELOUNDOU
Analyste politique
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