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Cameroun: Une application pour communiquer avec les morts.

 Tradition et innovation ne s'opposent pas nécessairement.  La seconde peut même s'envisager comme le prolongement de la première.  La preuve au Cameroun, où l'un des plus vieux mythes animistes se mêle à un certain idéal transhumaniste.  Un article issu du dossier « Mourir mieux » du magazine  Usbek  & Rica.

« Les morts ne sont pas morts.  » Il cite le poète sénégalais  Birago  Diop .  Mais dans la bouche de l'entrepreneur camerounais Armand  Ngaketcha , également chercheur en éthique des biotechnologies et organisateur en novembre 2021 d'un des premiers colloques totaux au transhumanisme en Afrique, ce  vers,  une valeur de programme. Pourtant, en première vue, l'approche technique de la mort rendue possible par les nouvelles technologies ne semble pas épouser celle, métaphysique, de la tradition camerounaise.  Pas plus, d'ailleurs, que le matérialisme décomplexé de la mouvance transhumaniste, qu'Armand  Ngaketcha  cherche à promouvoir dans son pays, ne semble en adéquation avec la dimension spirituelle des croyances populaires en Afrique de l'Ouest.

La première idée reçue qui vient à l'esprit, lorsqu'on réfléchit aux rapports entre Afrique et transhumanisme, c'est que le développement du mouvement ne relève pas des priorités du continent.  Ou pour le dire autrement : comment convaincre les gouvernements de l'opportunité de financer des recherches en matière de technologie si les besoins élémentaires de la population ne sont pas satisfaits ?  Pourtant, des pays comme l'Afrique du Sud ou le Nigeria sont déjà à la pointe de la recherche en intelligence artificielle et ont massivement recours à l'IA en entreprise, d'après un rapport publié en 2022 par le cabinet AI Media  Group  .  Par ailleurs, sur un continent dont plus de 60 % des habitants sont équipés de téléphones portables, l'intégration de la technologie dans la vie quotidienne n'est plus à fonctionner.  Dans ce contexte, il n'est pas si surprenant, qu'une start-up camerounaise Sparte  Robotics , se soit  acquise dans un service de conversation avec les défunts sur mobile.

Outil de vérité

La technique est encore en cours d'élaboration.  Mais il s'agit de rendre possible, à partir des données de la personne décédée et d'une intelligence artificielle qui les traite, le téléversement de la conscience du défunt dans un programme informatique.  Jacques  Eone , le  PDG  de cette start-up destinée aux technologies robotiques aériennes, souligne toutefois la réticence de la psyché camerounaise envers tout ce qui relève d'une trop grande proximité avec la mort : « Au Cameroun, on évite  de passer à côté d'un cimetière.  »

À écouter la genèse du projet par son fondateur, le service sur lequel travaille Sparte La robotique  vient pourtant répondre à un besoin culturel spécifique :  « Au Cameroun, il y a souvent beaucoup de rumeurs qui circulent.  On est perméable à ça, c'est un trait culturel.  Chacun à sa propre version de la mort d'un individu ;  les uns pensent que le défunt est mort naturellement, les autres que son décès est le résultat d'un acte de sorcellerie.  Ça peut diviser les familles…  » C'est là qu'un « échange » numérique entre la personne décédée et sa descendance pourrait trouver sa pertinence :  « Parfois, on aurait besoin de la version du mort. Si on avait un échange avec lui à travers une version des faits numériques, ça pouvait clarifier des détails, de savoir par exemple si tel oncle, sur lequel on raconte telle histoire, était vraiment capable de faire de ce qu'il a fait…  » Un tel service répondrait ainsi au besoin de fixer la cause d'un décès, un enjeu déterminant en Afrique où la mort, selon les conditions dans lesquelles elle survient, peut signifier un désordre ou une menace pesant sur la famille tout entière, au- au-delà du seul défunt.  En rendant possible le dialogue continu entre les morts et les vivants, la technologie pourrait ainsi réparer la «  mal-mort  », celle qui intervient de façon imprévue, subite ou mystique.

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