La chute des cours du cacao au Cameroun en 2025 : analyse systémique d’un déséquilibre économique
La baisse des cours du cacao en 2025 au Cameroun ne constitue pas seulement un aléa conjoncturel : elle révèle les fragilités structurelles d’un système économique dépendant des matières premières, et interroge les choix politiques en matière de régulation, de diversification et de justice sociale. À travers une lecture systémique, cet article explore les causes profondes de cette chute, ses effets sur le tissu socio-économique, et les implications théoriques sur le Produit Intérieur Brut (PIB) national.

LES CAUSES MULTIFACTORIELLES DE LA BAISSE DES PRIX
Surproduction mondiale et déséquilibre offre-demande
La campagne 2024/2025 a été marquée par un excédent mondial de cacao estimé à plus de 140 000 tonnes. Les principaux producteurs (Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria) ont enregistré des récoltes abondantes, entraînant une saturation du marché. Ce phénomène illustre le principe de la loi de l’offre et de la demande : lorsque l’offre dépasse la demande, les prix chutent mécaniquement.
Réduction de la demande internationale
La demande en chocolat a fléchi dans plusieurs marchés clés (Europe, Amérique du Nord), en raison de l’inflation, des changements de consommation et des politiques de santé publique. Cette contraction de la demande accentue la pression sur les prix.
Absence de mécanismes de régulation régionale
Contrairement à l’OPEP pour le pétrole, les pays producteurs de cacao ne disposent pas d’un cartel efficace pour réguler les volumes exportés. Le manque de coordination entre États producteurs empêche toute stabilisation concertée des prix.
Dépendance structurelle du Cameroun
Le Cameroun reste dépendant de ses exportations agricoles, notamment le cacao, qui représente environ 15 % de ses recettes d’exportation. Cette dépendance expose le pays aux chocs exogènes, sans amortisseurs internes suffisants.
LES EFFETS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX D’UNE BAISSE PROLONGÉE
Réduction du PIB agricole
La baisse des prix du cacao entraîne une contraction du PIB agricole, qui représente près de 20 % du PIB total du Cameroun. Selon la comptabilité nationale, une baisse des revenus d’exportation réduit la demande intérieure, les investissements et les recettes fiscales.
Paupérisation des producteurs
Les planteurs, souvent sans accès au crédit ni à des mécanismes d’assurance, voient leurs revenus fondre. Cela entraîne une baisse de la consommation locale, une déscolarisation des enfants, et une précarisation des zones rurales.
Risque de désengagement productif
Face à la chute des prix, certains producteurs abandonnent leurs plantations ou se tournent vers des cultures vivrières ou illicites. Cela menace la durabilité de la filière cacao et la sécurité alimentaire.
Pression sur les politiques publiques
L’État est confronté à un dilemme : intervenir pour soutenir les prix (subventions, prix planchers) ou laisser le marché s’autoréguler. Ces choix relèvent de la théorie keynésienne (interventionnisme) versus la théorie libérale (laisser-faire).
TERMES ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES EN JEU
La dépendance
Selon cette approche, les pays du Sud sont enfermés dans une logique de dépendance vis-à-vis des matières premières, dictée par les fluctuations des marchés mondiaux. Le Cameroun, exportateur de cacao brut, subit les décisions des acheteurs internationaux sans pouvoir peser sur les prix.
Le cycle des matières premières
Les prix des matières premières suivent des cycles longs, alternant périodes de hausse et de baisse. Le Cameroun, sans stratégie de stockage ni de transformation locale, est vulnérable aux phases baissières.
Une baisse des revenus agricoles réduit la consommation, ce qui diminue la production, l’emploi et les recettes fiscales. Ce cercle vicieux peut entraîner une récession si aucune relance n’est amorcée.
Nécessité d’une politique distributive et équité territoriale
La baisse des prix du cacao affecte principalement les régions productrices (Centre, Sud-Ouest, Littoral). Cela pose la question de la redistribution des richesses et de l’équité territoriale, au cœur des politiques publiques inclusives.
Une refondation du modèle cacao ?
La chute des cours du cacao en 2025 est un révélateur : celui d’un système économique vulnérable, peu diversifié et dépendant des aléas extérieurs. Pour éviter que cette crise ne se transforme en spirale de pauvreté et de désengagement, le Cameroun doit repenser sa stratégie cacao : transformation locale, régulation régionale, soutien aux producteurs, diversification des débouchés. C’est à ce prix que le cacao pourra redevenir un levier de développement, et non une source de fragilité.
Nanga Paul

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