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Les coups d’Etat sont de retour : entre instauration de bonne gouvernance et luttes de libération.

Entre instauration de bonne gouvernance et luttes de libération.

L’on entend souvent la rengaine selon laquelle « SEULE LA LUTTE » libère et moi j’ai envie de poser la question, quelle lutte contre quel oppresseur ? Se libérer de quoi et / de qui ? Cette question est importante voire cruciale à l’heure où le continent noir se trouve au confluent d’une situation paradoxale, dans laquelle les coups d’Etat deviennent salvateurs, embarrassant par là-même, les géopoliticiens et les analystes politiques les plus pointus. La liberté il faut le marteler n’est pas facile à gérer. Nous sommes comparables à des chèvres longtemps attachées qui, le jour où on leur coupe la corde, ne savent plus où aller.

Quelle explication donne-t-on à ces coups de force

Ce mode de dévolution du pouvoir au plus haut sommet de l’Etat, que l’on pensait être désormais loin, bien loin de nous, a refait surface de la plus belle manière, soutenus par des peuples, aux prises avec une misère endémique quotidienne. Il y a deux catégories qui se dégagent, avec l’objectif l’un de chasser du pouvoir des « incompétents » (cas d’Alpha Condé[1] en Guinée Conakry ou d’Ali Bongo Odimba[2] au Gabon), l’autre de libérer les peuples du joug du néocolonialisme (Mali[3], Burkina Faso[4], Niger[5]). Ceux qui tenaient les rênes du pouvoir étant considérés comme des suppôts des néo-colons ont donc été débarqués par la force. Ces trois coups de force s’inscrivent dans une perspective historique et leurs initiateurs se proclament libérateurs de leurs peuples contre l’oppresseur occidental, la France en l’occurrence[6].

C’est ici que se trouve mon questionnement. Il y a un proverbe de chez moi[7] qui stipule que « lorsque la vipère est en brousse, elle appartient aux enfants. Dès qu’elle arrive au village, elle devient celle des grands[8] ».

Ces militaires –accordons-leur le bénéfice du doute- ont pris le pouvoir pour libérer leur peuple, pris depuis près de 60 ans dans l’étau de la néo colonisation, après plusieurs décennies de colonisation. Ces actes révolutionnaires, antirépublicains rencontrent bien sûr la résistance de Chefs d’Etat de la CDEAO et étale au grand jour les antagonismes entre nos peuples.

Les fondements stratégiques des coups de force.

Le scénario auquel nous assistons, celui des peuples d’Afrique en opposition est symptomatique du vide d’idéologie et de stratégie de libération. En effet, j’ai l’impression que l’on se trompe de cibles ou d’adversaires. Mener une lutte aussi acharnée contre les reliques du colonialisme me parait relever d’une lutte d’arrière-garde.

A-t-on vraiment besoin de renverser un chef d’Etat pour adresser la problématique de la monnaie ?

Faut-il stopper des processus de démocratisation bien qu’embryonnaires –donc à parfaire- au nom de la lutte contre le néocolonialisme ?

Doit-on créer un malaise interafricain, pour passer d’un maître à un autre maître ?

 Sachant qu’un maître reste et demeure un maître quel que soit sa couleur ?

Suffit-il de se pavaner en treillis, de tenir des discours enflammés ?

A-t-on réellement scruté le problème dans le fond ?

Avons-nous identifié les adversaires à combattre ?

Ne sont-ce pas des actions individuelles de personnes, disposant simplement d’une force de frappe : les armes à feu ? en d’autres termes y a-t-il une démarche révolutionnaire ?

 

 

 

Les « vrais maîtres » du Monde

 Notre longue expérience de terrain nous a enseigné que la politique n’est en réalité que prestidigitation et illusionnismes ! Ceci signifie simplement que ce que l’on voit n’est pas toujours ce qui est.

Ceux qui se bombent le torse au quotidien, provoquant des guerres par ci, prétendant arranger des conflits par là et que l’on place à la tête des « puissants pays », ne sont que les ouvriers d’un système central dont les pilotes sont des maîtres de l’occultisme. Des gens invisibles par le commun des mortels, insoupçonnables et hyperpuissants.

Tous les instruments de « gouvernance mondiale » (ONU[9], FMI[10], BM[11]) sont, selon des révélations de plus en plus précises sont à leur service. Ils dominent le monde, contrôle le Politique, l’Economique et le Social. Quand cela les arrange, ils prônent la démocratie pluraliste, puis en économie ils introduisent, y compris par la force le libéralisme ; au plan social, ils veulent décider du nombre d’habitants sur terre, encouragent toutes sortes de perversion. Un coup, on interdit la drogue, l’avortement … un autre coup, on légalise tout ça. On introduit la pédophilie et l’homosexualité comme des valeurs à l’école.

Les médias, les institutions de régulation mondiale, les gouvernements, les religions sont commandées par ces forces-là.

A travers la technologie, ils veulent avoir le contrôle sur nos vies, nos déplacements. Ce sont les « maîtres du monde », au sens de Jean Ziegler[12].

Quelle pertinence stratégique porte les coups de force ?

Pense-t-on franchement que faire tomber un Mohamed BAZOUM[13], un Blaise COMPAORE[14] ou un Alpha CONDE pèse vraiment sur la marche du monde et spécifiquement, susceptible de modifier la trajectoire d’un système d’exploitation, conçu en faveur des vrais maîtres du monde ?

Je suis très étonné lorsque je vois les gens, analystes sérieux au demeurant, se focaliser sur les ressources du sol et du sous sol et faire croire qu’il suffit de les « protéger » pour atténuer ou mettre un terme à l’exploitation néocoloniale !

Nos ressources humaines sont retournées en faveur de leurs intérêts. L’immigration, qui nous pompe toute notre jeunesse et nos intelligences est notre première faiblesse.

 Le FCFA[15], même la sortie du FCFA tant réclamée – et avec raison d’ailleurs - ne suffira pas, pour délivrer les africains de leurs multiples captivités. Les stratèges occidentaux, eux qui poussent la réflexion stratégique sur des simulations sur 50 ans, doivent nous trouver bien immatures pour ne pas dire naïfs, nous qui vivons « le quotidien », sans prospective.

Finalement, ne nous avançons pas là dans des raccourcis sans issues ?

Le nouveau mode opératoire.

Nous devons savoir que le mode opératoire d’exploitation a changé. Outre la traditionnelle et sempiternelle captivité spirituelle, qui s’effectue par la religion et l’enrôlement dans des ordres ésotériques, qui nous éloignent de nos cultures, créant un immense fossé entre les générations, tout se joue désormais aujourd’hui, sur l’endettement sans fin de nos Etats, dette que nous adossons sur nos matières premières. A court terme, ils comptent sur  les immenses réserves d’or, et autres matières stratégiques qu’ils ont accumulées des siècles durant. A long terme, ils n’ont même pas besoin de se déplacer. Ils nous aident même à exploiter nos ressources mais, les fruits issus de leur commercialisation sont attendus au remboursement…de la DETTE.

Ils battent monnaie pour nous (pour les 14 pays utilisant le FCFA) et peuvent en faire l’usage le plus avantageux pour eux-mêmes. Y compris pour provoquer et entretenir l’instabilité de nos Etats.  Mon attention avait été ainsi appelée, alors que j’effectuais une mission dans les régions septentrionales du Cameroun. C’était en 2013. BOKO HARAM (BH), disons-le sans ambages, était au fait de sa « gloire ». Dans un entretien avec des jeunes soldats au front, ceux-ci me révélèrent que lorsqu’un BH tombait sous les balles,  ils s’empressaient d’aller fouiller le corps sans vie, « ils avaient toujours de coupures de FCFA craquants neufs dans les poches », en millions de FCFA. C’était l’argent avec lequel on les motivait. Cet argent, distribué sans compter aux terroristes de BOKO HARAM, proviendrait directement de l’imprimerie qui fabrique le CFA.

N’avons nous pas  assez lutté par des actions spontanées, des révoltes ! Depuis la Traite à nos jours, en transitant par la colonisation. Pourquoi attendre de subir pour après réagir, nous installant alors dans des luttes perpétuelles tandis que d’autres passent à l’offensive et anticipent sur le futur.

La nécessité d’une théorie révolutionnaire.

Nous sommes dans une lutte contre le néocolonialisme, sans théorie révolutionnaire. La première chose qui nous parait de toute première importance est  la synergie d’actions. Nous devons repartir là où nous avons trébuché. La construction d’une solide Afrique fédérale nous a échappé, au profit de « républiquettes » généralement sous perfusion.

 La cacophonie qui a rythmé la création et la naissance de l’OUA[16] est à notre avis, le lieu où nous avons trébuché. Elle est également le reflet du manque de cohésion, le sacre des individualismes, le manque de patriotisme, sûrement du fait du caractère hétéroclite de nos cultures d’une part et la dispersion voire la vacance idéologique d’autre part.

Le changement d’appellation de l’OUA en U.A[17] n’a pas été une simple évolution sémantique mais, plutôt la volonté d’un leadership conduit par le Colonel Kadhafi[18],  soutenu par Paul BIYA[19], décidés à faire avancer le continent africain vers plus d’autonomie monétaire, technologique et culturelle.  Le projet fut abattu en plein vol, le Guide Libyen assassiné, avec la complicité –active et/ou passive - d’africains… Devant une population africaine médusée, désespérée.

Des leçons à tirer.

Si on peut accorder des circonstances atténuantes aux pères fondateurs, qui, nonobstant un confort intellectuel modeste, un rapport de force largement en leur défaveur,  ont réussi un premier décollage, on ne peut s’empêcher pour le fustiger, la paresse et l’incurie dont font preuve les générations et le leadership qui prennent progressivement place. Paresse à affronter  l’adversité et incapacité à inventer un modèle de gestion globale pour le continent noire, incurie, faiblesse et complaisance dans la maîtrise des problématiques actuelles et la projection vers le futur.

La nouvelle génération doit tirer des leçons. Il faudra pour ce faire bien identifier les vrais adversaires et analyser en profondeur leur mode opératoire ; ne faire confiance en personne, surtout pas aux « étrangers » qui viennent tous, attirer par les ressources dont regorgent le Continent noir ; travailler pour le rapprochement entre différents leaders, afin d’apaiser toutes tensions internes et redonner confiance au peuple africain à l’intérieur comme à la diaspora. Cela n’est pas de la faiblesse. Savoir enfin et ne jamais…au grand jamais oublié que l’homme « Blanc », lorsqu’il est humilié, surtout par un « Noir », ne dort jamais, jusqu’à ce qu’il prenne et obtienne sa revanche.

Joseph Marie Eloundou

Consultant Senior

 

 

[1] Au pouvoir en Guinée en 2010, renversé par le Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya

[2] Il avait succédé à son père, Omar Bongo Odimba. Après deux mandats à la tête de l’Etat gabonais. Bien que physiquement diminué par un AVC qui l’avait durement frappé, il a tenté de briguer un troisième mandat.

[3] ASSIMI GOÏTA a pris le pouvoir suite à un coup d’Etat en Août 2020, à la tête du Comité national pour le Salut du Peuple.

[4] Le capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir par la force en septembre 2022 à la tête du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la restauration

[5] Le Général Abdourahman Tchiani prend le pouvoir par la force, le 23 juillet 2023 à la tête du Comité national pour la restauration.

[6] Ces trois pays appartiennent effectivement au pré carré français.

[7] Proverbe Etons. Peuple bantou, du Centre du Cameroun. Traduction : les militaires ont lancé, un mouvement, souhaité en réalité par tous. Il faille que les patriarches africains s’en approprient la gestion, au lieu cette action au demeurant salvatrice devienne source de discorde.

[8] En règle générale, dans la tradition Eton, les enfants ne mangent pas la vipère. Il faut attendre un certain âge pour que l’on vous la « donne ».

[9] Organisations de Nations Unies.

[10] Fonds Monétaire International.

[11] Banque Mondiale.

[12] Homme politique et altermondialiste Suisse. Auteur de LES NOUVEAUX MAITRES DU MONDE et ceux qui leur résistent ; DESTRUCTION MASSIVE Géopolitique de la faim ; Le capitalisme expliqué à ma petite fille. La faim dans le monde expliquée à mon fils ; LA HAINE DE L’OCCIDENT

[13] Chef de l’Etat Nigérien renversé par son Chef d’Etat major

[14] Ex chef d’Etat Burkinabé, accusé d’avoir assassiné son camarade d’arme et ami le Président Thomas Sankara, qui avait rebaptisé le Pays, passant de la Haute-Volta à Burkina Faso

[15] Le Franc des Colonies Françaises d’Afrique devenu francs de la Communauté Financière Africaine. C’est une monnaie utilisée par quatorze pays d’Afrique. Sa particularité est qu’elle est gérée par la France depuis 1945.

[16] L’Organisation de l’Unité Africaine

[17] Union Africaine

[18] Guide de la Jamahiriya Libyenne, qui avait pris sur lui, de libérer le continent sur le plan technologique, infrastructurel  et culturel.

[19] Président camerounais qui avait accepté d’abriter le siège du Fonds Monétaire Africain

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