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LA QUESTION DE L’ENDETTEMENT OU L’ESCLAVAGE DES TEMPS MODERNES.

Depuis la fin des années octante, le Cameroun traverse une crise économique endémique au point que, toutes les générations de gouvernement qui se sont succédées dans la gestion du pays au cours des trois dernières décennies semblent s'en être accommodées, de sorte la crise et sa gestion est devenue un mode de vie.

Aux origines…

En effet, tout commence en 1987, avec l'annonce du Chef de l'Etat camerounais, Paul Biya, de la survenue d'une « crise » au Cameroun, et prévenant les citoyens de s'apprêter à se « serrer les ceintures ». ». Cela voulait dire que la vie ne sera plus facile, qu'il n'y aura plus d'argent et que pour survivre il faudra désormais fournir plus d'efforts.

Effectivement, quelques temps après, dès 1988 tout va chambouler. Je me souviens à l'époque, je tenais une petite affaire : un atelier qui abritait un garage automobile, et une petite unité de sous-traitance en bâtiments. J'emploie six personnes. Nous produisons de l'argent. Nous ne comprenions donc pas concrètement ce que cela signifie la « crise ». Le phénomène était pourtant déjà vécu à l'époque sous l'appellation de « conjoncture ».

Les manifestations de la crise

Un matin je me rends à ma Banque « Cameroun Bank [1]  », je tire un chèque de 100.000 FCFA, mon gestionnaire de compte m'annonce que je ne peux pas toucher et qu'il faille que je repasse. Ce scénario a pris de l'ampleur de jours en jours et se signalait dans plusieurs banques [2] . Il n'y avait plus assez d'argent. L'État se battait alors essentiellement pour payer les salaires de ses fonctionnaires.

Nous autres petites entreprises naissantes ne pouvions bien-sûr pas tenir le coup. L'on était loin de s'imaginer que nous entrions la dans un marasme économique interminable.

Que s'était-il passé ?

L’on nous avait informés que les cours des produits de base avaient chuté sur le marché mondial et que cette situation se répercutait sur l’économie nationale. Le Cameroun entrait ainsi dans une longue période de galère. Pour sortir de la situation de manque de liquidités, l’Etat camerounais avait dû  faire  appel aux experts internationaux que sont le FMI[3] et la Banque Mondiale. La première leçon à tirer est que le Cameroun ne disposait pas d’un équipage capable de faire face à la crise économique et sociale qui frappait de plein fouet le pays. Pire encore, il ne disposait, ni de l’expertise, ni des instruments de navigation et c’est bien pour cela que l’on  n’a pas vu venir l’orage économique, malgré les gros nuages qui s’amoncelaient.

Dans le piège de l’endettement.

Ces experts internationaux, débarqués de Washington avec des, recettes passe-partout[4], avaient prescrit une thérapie qui se manifesta par la fermeture d’entreprises,  avec bien sûr la mise au chômage des milliers voire des millions de concitoyens, la compression des effectifs des personnels de l’Etat, la réduction du train de vie de l’Etat, le retrait de l’Etat des activités de production des biens. C’est ce prix là, qu’il fallait payer pour obtenir quelques oboles de ceux que j’appelle désormais les usuriers internationaux. Le Cameroun était en faillite. Il fallait recourir à l’endettement. C’était apparemment l’unique solution. Cet endettement s’effectuait à partir d’un mécanisme assorti de conditions, que  l’on désignait par les « ajustements structurels ». C’est ainsi que d’ajustements en ajustements, le pays va entrer dans le cycle infernal de la dette, jusqu’à ce jour. Un véritable piège économique. En effet, l’on se rend compte depuis lors que plus de trois décennies plus tard le pays continue de patauger dans la boue d’un endettement sans fin. Chaque étape étant entretenue par l’espoir d’un lendemain meilleur. Tout cela rythmé par de nouveaux concepts : Facilités[5], point de Décision de l’Initiative PPTE[6], Point d’Achèvement de l’Initiative PPTE. Qui peut nous dire combien de milliers de milliards ont été payés au titre de la dette extérieure ?

Chacun peut facilement observer au bout de ce récit que, partis de la chute des cours de produits de base, nous sommes rentrés dans un cycle de l’endettement qui est en fait l’une des principales maladies de l’économie camerounaise. Une maladie chronique ?

Pourquoi continuer à s’endetter.

 Il y a toute une théorie positive de la dette, dans son rapport avec son produit intérieur brute (PIB).  L’endettement serait devenu le principal moteur de croissance. On s’endette pour tout : pour se soigner, pour s’abriter, pour s’instruire, pour s’alimenter. Nous sommes dépendants de la dette. L’on est même fier de s’endetter.

 Pourtant, dans la sociologie camerounaise, quelqu’un qui est criblé de dette est un irresponsable, un mauvais gestionnaire. Comment en est-on arrivé à sacraliser la dette jusqu’à l’addiction ! On semble ne plus pouvoir s’en passer.

L’endettement, un frein à la croissance et au développement ?

Si l’on s’endette pour assurer son quotidien, on devrait s’en inquiéter. Par contre, la dette que soutien un programme de développement global, avec des effets structurant, assorti d’un programme de remboursement claire avec le souci d’en sortir est une bonne approche. L’on devrait pouvoir ne s’endetter que, pour financer les projets rentables et porteurs de richesses ; des projets structurants.

L’endettement INSTRUMENT stratégique de contrôle de l’économie

Nous ne devons jamais oublier que derrière cet endettement est tapie une stratégie de domination et de contrôle des économies technologiquement et scientifiquement faibles, cependant détentrices de matières premières et surtout, de plus en plus, des ressources stratégiques. L’on se doute bien que ce qui se cache derrière la dette est loin d’être philanthropique. Nous faisons l’objet d’une dépendance ad vitam aeternam ; on nous balade entre endettement et réduction de la dette, sans jamais franchir son éradication, qui serait alors synonyme de libération. C’est ce que j’appelle le nouvel esclavage.

En effet, si on nous prête, c’est bien parce que l’on sait que nous pouvons rembourser. Aucun créancier ne prête à quelqu’un dont l’insolvabilité est avérée ou même constatée. Cela signifie que, bien que nous ne disposions pas de devises, nous restons solvables. Dès lors, le remboursement est adossé sur les matières premières.

Le SERVICE de la dette, une manne pour les KLEPTOCRATES

Nous entendons souvent des leaders d’opinion brandir  l’argument de préservation de nos ressources, pour justifier les « révolutions » que nous observons dans certains pays. Le logiciel d’exploitation de nos ressources a été modifié depuis fort longtemps.  A travers le paiement interminable des intérêts, les services de la dette perpétuent le système, d’autant plus que le montant exact de la dette du pays relève l’occultisme. Cette situation floue et confuse est très  intéressante  pour les kleptocrates qui se servent à profusion.

LA SOLUTION ?

SORTIR ABSOLUMENT DU CYCLE DE L’ENDETTEMENT

   . Ce sera l’objet de notre prochaine contribution

Joseph Marie Eloundou

Consultant Senior

 

[1] Une des premières Banque camerounaise à 100%, entrée en banqueroute au début des années 90. Elle avait bénéficié d’une subvention de l’ONCPB, d’un montant de 106.750.000 FCFA.

[2] Bien d’autres Banques et Fonds (tous liquidés) avaient bénéficié des mêmes faveurs. Ce sont notamment : la STANDARD BANK : 70.000.000 FCFA ; le FONADER 30.milliards ;

[3] Fonds Monétaire International.

[4] C'était des recettes que l'on appliquait presqu'indifféremment à toutes les économies en crise et sous le contrôle du FMI.

[5] Au cours des processus d'ajustement sur donne quelques bouffées d'oxygène au pays qui est dans le piège de l'ajustement, des perfusions pour le maintenir dans un état végétatif et dépendant.

[6] Le Cameroun était passé de pays à revenu intermédiaire à Pays Pauvre très Endetté (PPTE). Pour accéder et « bénéficier » du soutien économique de l'Initiative PPTE, il fallait plus courageusement successivement les Etapes du point de Décision (1997-2000) ; du Point d'Achèvement 2000 à 2006.

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